Vendée – Affaire des granulats: nos plages peuvent-elles disparaître?
Vendée – Affaire des granulats: nos plages peuvent-elles disparaître?
L’objectif est d’acquérir une connaissance précise de la couverture sédimentaire de la zone concernée, et de mesurer les impacts d’une éventuelle extraction sur les ressources halieutiques et la biodiversité.
(NDLR: on parle d’un potentiel de 200 millions m3 de sable à extraire sur 30 ans,disponible au large de Noirmoutier)
La zone concernée est:
- à 12,9 milles nautiques (soit 23,9 km) à l’ONO de l’Île d’Yeu par rapport au sommet C
- à 16,09 milles nautiques (soit 29,8 km) à l’O de l’Île de Noirmoutier par rapport au sommet B;
- à 18,62 milles nautiques (soit 34,5 km) au SE de Belle-Île par rapport au sommet A
- à 22,89 milles nautiques (soit 42,4km) au SO de l’estuaire de la Loire par rapport au sommet A
Nous ajoutions également un plan afin que les lecteurs se rendent compte de l’étendue de la zone concernée, entre Belle-Ile, l’Ile d’Yeu et l’Ile de Noirmoutier.
Afin d’équilibrer les arguments des deux parties concernées, nous avions inséré tous les arguments de la société Granulats Nord Gascogne. Parmi ceux-ci:
« Raisons environnementales :
Le programme de recherche est soutenu par les raisons environnementales suivantes :
– les matériaux marins sont des matériaux de substitution aux matériaux alluvionnaires terrestres. En identifiant les gisements exploitables sur le plateau continental, l’exploration des ressources minérales marines permet ainsi d’économiser les gisements d’alluvions terrestres, ou de se substituer en partie à ceux-ci. »
L’article peut être lu sur ce lien:
http://www.lereportersablais.com/vendee-la-guerre-du-sable-et-des-granulats-semble-declaree/
La situation mondiale
A la lecture de ces arguments, aucun danger ne pointe à l’horizon, et le Ministère de l’Economie et des Finances se veut lui-même rassurant en indiquant que:
« Ce permis de recherches s’inscrit dans le plein respect de la stratégie préexistante en matière d’extraction de granulats marins. » Et en précisant que, notamment, les éventuels droits d’extraction qui seraient attribués à l’issue des cinq années de recherches devront respecter le futur document stratégique de façade (DSF). Celui-ci, dont l’entrée en vigueur progressive est prévue à partir de 2019, posera, à l’échelle de la façade maritime, une limite aux volumes de granulats extraits, en fonction des besoins économiques des territoires concernés.
Pourtant, à la lecture de ce qui va suivre, on peut dire que le danger guette véritablement (le sable / granulats sont nécessaires à la construction pour la fabrication du béton).
Le « sable s’efface progressivement de la surface du globe » ont régulièrement affirmé plusieurs médias, en raison de l’érosion naturelle et des besoins des hommes.
Les besoins en France sont évalués à « 383 millions de tonnes de granulats notamment pour la construction » dont plus de 2% en provenance de la mer.
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), la consommation mondiale en sable est de 40 milliards de tonnes par an dont 30 milliards de tonnes pour la fabrication du béton, le reste servant pour les puces électroniques (informatique et téléphonie mobile) ainsi que pour l’extraction de gaz de schiste.
Certains de ces médias n’hésitérent pas à parler de mafia du sable, en raison d’entente – dans les années 80 – entre des élus de la côte Atlantique et le lobby des extracteurs de sable.
Heureusement, de nos jours, des élus ainsi que des personnalités locales ont pris la mesure de ce qui pourrait constituer progressivement un désastre économique.
En 1985, les sites gisement du Pilier (à 8km de Noirmoutier) et du Payré faisaient déjà débat. Pourtant, le site du Pilier ne s’étendait que sur 8,2 km2.
Là, la zone – certes de recherches et non d’extraction – va concerne 432 kms2!
A l’époque, sur le Pilier et Le Payré, ce sont 400.000 tonnes de sable qui étaient prélevés annuellement.
Or, la logique veut que lorsqu’une zone en mer perd de son contenu, celui-ci est compensée par des glissements du sable côtier, entraînant la réduction du sable du littoral et le rétrécissement des plages.
Ces extraction de sable ont des répercussions sur la pêche, réduisant les zones de pêches, mais le danger vient surtout du fait que l’on ne connaît point tous les effets à long terme (le sable met des milliers d’années pour se former!)
Contestation des extracteurs
Ceux qui sont actuellement en charge de l’extraction ont toujours contesté l’opinion générale en s’appuyant sur des rapports d’Ifremer et de la DReal (Dir. Rég. Environnement, Aménagement, Logement) ainsi que des études de la DHI réalisées pour le Conseil général de Vendée.
Pour eux, seule l’érosion naturelle du littoral serait en cause pour les pertes de sable sur les plages.
Ce n’est pas du tout l’avis de spécialistes qui estiment que de nombreuses plages peuvent et vont disparaître si rien n’est fait.
C’est le journal d’investigation Der Spiegel, – diffusé à plus d’1 million d’exemplaires – qui l’avait affirmé en 2014 dans un article portant le titre « Voleurs de sable: les plus belles plages du monde victimes du boom de la construction. »
« The Sand Thieves: World’s Beaches Become Victims of Construction Boom »
(Article paru dans l’édition allemande du 29 septembre 2014 puis dans la version anglaise online du 2 octobre 2014).
Graphique ci-dessus: Evolutions des importations de sables de 2002 à 2012 (5,1 bil.$ à 18,6 bil.$)car le sable des déserts n’est généralement pas adapté pour les constructions; en effet, le sable du désert, d’origine éolienne, est inadéquat en construction à cause de sa granulomètrie trop fine et trop ronde empêchant les grains de s’agréger. (Sources de l’infographie: Der Spiegel).
Le Maroc, le Cap-Vert, le Kenya, la Nouvelle-Zélande et la Jamaïque ont été placés sur une liste de pays qui risquent le plus – ce qui n’excluent donc pas les autres pays – de voir disparaître leurs plages, laissant place à des étendues en masses de terre et de pierres noires avec des retombées environnementales et éco-touristiques graves. En Inde, au Bangladesh, la « mafia du sable » existe aussi. Quant aux Allemands, ils utilisent de gigantesques dragues, dans les Mer du Nord et Mer de la Baltique, entraînant des dommages irrémédiables pour l’écosystème du fond des océans !
Des professeurs d’Université s’alarment à juste titre: pour les uns des décennies seraient nécessaires pour que le sable retrouve son niveau, et pour les autres le contrôle de l’épuisement est bien trop tardif ce qui se traduira donc par une irréversibilité du phénomène.
Trafics et extractions illégales
Toujours selon Der Spiegel cette catastrophe naturelle serait causée par l’aggravation ces dernières années des trafics d’extraction de sables.
Cette sur-consommation et le début d’épuisement qui en découle, ajoute l’hebdomadaire à grand tirage, a aggravé des trafics qui accentuent la raréfaction et entraînent des dérèglements environnementaux dangereux, notamment l’accroissement des risques de submersion marine dans les zones côtières.
Paysage lunaire en vue?
« Nos plages sont en train de disparaître. C’est la chose la plus folle que j’ai vu dans les 25 dernières années », déclarait alors Robert Young, chercheur à la Western Carolina Universit, ajoutant: « Elles ont laissé la place à de long paysages lunaires où rien ne peut plus vivre! »
(Voir aussi : R. Young et A. Griffith, « Documenting the global impacts of beach sand mining », Geophysical Research Abstracts, vol. 14, 2009, p. 11593).
Déjà en 1985, E. Bird avertissait dans « Coastline Changes, Wiley & Sons » – 1985, qu’au moins 70% des plages du monde entier étaient en recul et entre 75 et 90% des plages étaient menacées de disparition ainsi que les îles lagunaires.
Le sable, sorte de symbole de l’inépuisable, est bien en voie de disparition; de nombreuses sources scientifiques fiables le confirment. Et il est temps d’agir, notamment en Vendée.
Car en Vendée, on peut aussi avoir l’esprit tordu…… Ainsi on agit d’un côté, à la suite de l’affaire Xynthia, afin de limiter tous les risques liés à la submersion marine dans les zones littorales avec des zones rouges, avec des limitations de la construction, des Plans divers PAPI et PSR de protection, et de l’autre on est permissif sur des extractions qui auront certainement – aux yeux de nombreux chercheurs à l’échelle mondiale – une influence sur l’accroissement des risques de submersion marine sur le littoral.
Voir ci-dessous la vidéo
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais
*version anglaise online Der Spiegel : http://www.spiegel.de/international/world/global-sand-stocks-disappear-as-it-becomes-highly-sought-resource-a-994851.html
*Robert Young et A.Griffith : http://coastalcare.org/wp-content/pdf/egu-2009.pdf
– « En mer, les extractions peuvent perturber la flore et la faune (par leur panache de turbidité, la remise en suspension de polluants. Des effets indirects d’érosion côtière ou sous-marine distantes sont possibles. »
– « Les impacts des extractions marines dans ou hors des eaux territoriales sont les plus mal étudiés. Ce manque d’étude sur l’impact d’une exploitation en mer a été particulièrement mis en lumière avec le « Per Lorient Sud », premier grand projet de se type en Bretagne, il a donné lieu à une vive opposition, Collectif le peuple des dunes2, avant son abandon par son pétitionnaire Lafarge Granulats, à la suite d’un avis négatif du Préfet Maritime et d’un avis défavorable du Comité Scientifique Indépendant mis en place par Cap l’Orient3. »
– « Leur prélèvement peut perturber des frayères et la faune du fond, ainsi que toute la colonne d’eau touchée par le panache de particules mises en suspension, à grande distance. Des sédiments toxiques peuvent être remobilisés, et les grandes carrières peuvent modifier les courants et générer des modifications distantes du transit hydrosédimentaire et ainsi modifier les profils de plage, en accentuant l’érosion marine du littoral ou en provoquant localement des envasements ou déplacements de bancs de sable. »
– « En 2006, le décret no 2006-798 du 6 juillet 2006 a réuni en un seul texte la plupart des obligations réglementaires applicables aux granulats marins, régulant l’octroi des APP (Autorisations « de Prospection Préalables »), des titres miniers (« Permis Exclusifs de Recherches » ou PER), les concessions, les autorisations domaniales, et les « Autorisations d’Ouverture de Travaux Miniers en mer » (AOTM ). L’administration n’a plus que 38 mois pour étudier les dossiers et statuer. Une instance de concertation associe élus, comités locaux des pêches, ONGE (associations environnementales).. pour une meilleure gouvernance locale.
L’étude d’impact environnementale conforme (art. R122-3 du code de l’environnement) reste obligatoire, ainsi que l’enquête publique (pour les titres miniers et les ouvertures de travaux). Le principe d’indépendance des décisions de chaque autorités compétentes (ministre chargé des mines, préfet..) est maintenu, mais le préfet « terrestre » doit refuser toute autorisation de projet ayant reçu un avis défavorable du préfet maritime. »
– « Face à une pression croissante (ex. : nombreux projets anglais d’extraction de granulats en Manche/Mer du Nord, dans le pas de Calais ; l’une des régions du monde les plus fréquentées, dont par des navires transportant des cargaisons dangereuses) et face au risquespour la sécurité maritime, au risque écologique et halieutiques aggravés, ou à des risques tels que celui posé par plus de 100 décharges de munitions immergées sur le littoral français, le Grenelle de l’Environnement a décidé de revoir la législation française, peut-être en encourageant aussi les GIZC. »