Sauvetage – La SNSM avait déjà prévu un plan d’équipement historique !
Vendredi 7 juin 2019: le drame. Trois sauveteurs de la SNSM des Sables d’Olonne périssent.
Depuis, il a beaucoup été question de canot de sauvetage.
D’abord car le Jack Morisseau, datant des années 80, n’a pas résisté à la tempête de ce jour funeste, ses vitres se brisant sous une lame.
Et car nous avons révélé le jour des Mille SNSM ce que venait de nous déclarer le président de la station de la Snsm, Christophe Monnereau, à savoir que le canot Jacques Joly, que l’on croyait réparé, ne l’était pas du tout.
En cause – après une réparation de « casquette » du bateau – la passerelle qui se désolidarisait du pont, sans compter des vibrations et un problème de structure à l’avant.
Des découvertes durant une visite du canot à l’initiative de la sénatrice Annick Billon qui souhaitait s’entretenir avec le président de la station.
Nous avions alors titré: « Grande inquiétude à la SNSM des Sables d’Olonne: le Jacques Joly à quai. »
Il semble bien que tout était sous l’étouffoir… Mais Christophe Monnereau, très inquiet de savoir la station des Sables d’Olonne sans canot durant tout l’été a mis les pieds dans le plat afin que chacun soit dans l’obligation de prendre ses responsabilités.
Parallèlement, il nous indiqua qu’il avait demandé en interne qu’une expertise indépendante soit effectuée sur le canot.
En le questionnant, nous avons également appris que les contacts avec les concepteurs du canot dataient du mois de février 2019. A part la réparation de la casquette, il semble que rien n’ait bougé depuis cette date.
Le 7 juin 2019, c’est le Jack Morisseau qui partait dans la tempête.
Un vrai scandale estime le maire
Il y a quelques jours, nous avons interrogé le maire des Sables d’Olonne, Yannick Moreau, au sujet du canot Jacques Joly. Rappelant que sur les 1,4 million d’€ du prix d’achat de ce canot, les collectivités ont payé 75% et Les Sables d’Olonne 1/4 du total (environ 350.000 €), il considère que le fait que ce canot, trois ans après son achat avec des fonds essentiellement publics, ne soit pas opérationnel est un vrai scandale !
Le questionnant sur le besoin urgent d’un canot et la nécessité de trouver rapidement des financements auprès de l’Etat pour lancer une construction qui nécessitera au moins six mois, il déclare que la question est de savoir si le canot Jacques Joly peut devenir opérationnel, s’il peut être rendu fiable ou non. Tout va donc dépendre du résultat de l’expertise de ce jour.
Quant à l’urgence d’avoir un canot durant l’été, il est nécessaire, ajoute-t-il, de réorganiser la carte des stations et d’affecter provisoirement un canot aux Sables d’Olonne.
Le maire nous précise qu’il est intervenu auprès des ministres concernés et de parlementaires et qu’il a envoyé un courrier à ce sujet au président de la SNSM, Xavier de la Gorce.
C’est donc apparemment une solution interne à la Snsm qui est cherchée ou qui sera cherchée dès le résultat de l’expertise connu.
Expertise et Mission d’information sénatoriale
Aujourd’hui, lundi 22 juillet 2019, aura lieu cette expertise aux Sables d’Olonne. Et c’est également aujourd’hui que seront présents les sénateurs membres de la Mission d’Information sur le sauvetage créée à l’initiative de Bruno Retailleau et qui va se pencher sur l’ensemble du sauvetage en France: statut des canotiers, équipement de la SNSM, financement etc….
Jusqu’ici peu de choses transpiraient à propos des équipements de canots de la Snsm au niveau national.
On savait que plusieurs rapports avaient été rédigés sur la Snsm et le sauvetage dont un remis en son temps à un Premier ministre, que les débats budgétaires annuels se penchaient parfois sur la question, mais que d’une manière générale malgré le manque de moyens de la Snsm, l’Etat semblait se satisfaire de la situation puisque rien ne bougeait notamment sur le plan financier.
On apprenait également qu’un certain nombre de stations Snsm, dont celle des Sables d’Olonne, utilisait des canots des années 80, ayant donc près de 40 ans….. Une quarantaine de canots dataient de cette époque, et avaient été achetées avec l’aide de l’Etat juste après le précédent drame, celui de l’Aber Wrac’h.
Un plan d’équipement sur appel d’offres lancé en 2018
Pendant ce temps, la Snsm avançait et avait lancé un projet d’équipement historique – en avril 2018 – dont le candidat choisi a été dévoilé il y a quelques jours.
Dans un communiqué la Snsm indique qu’elle « retient la candidature des chantiers Couach pour la maîtrise d’oeuvre de sa flotte du futur. »
Le communiqué, très succinct, permet de savoir « qu’après consultation de plusieurs maîtres d’œuvre et examen de leurs offres, la SNSM a retenu la candidature du chantier naval Couach, de Gujan-Mestras » et que le contrat concerne le renouvellement d’au moins 70 navires sur une période de 10 ans.
Environ 20 NHS et 50 NSC (voir ci-dessous).
Enfin on apprend qu’après mise au point du contrat de conception – réalisation, celui-ci devrait être signé dans les prochains mois.
Couach sera épaulé par les architectes Frédéric Neuman et Christophe Barreau.
Suite à l’appel d’offres, trois groupes avaient été sélectionnés: Couach (Gujan-Mestras), Grand Large Yachting et Services (architecte Pierre Delion), CMN (Cherbourg).
Au vu du nombre de bateaux prévus et de la durée d’équipement, on doit considérer ce projet comme historique.
Une nouvelle gamme de canots
La Snsm a travaillé longuement sur le programme de la flotte future. Son but étant d’avoir une gamme cohérente et simplifiée sans modèles trop voisins et sans doublons.
Ainsi selon la situation le CROSS, dont la mission est de centraliser les alertes et l’organisation du sauvetage, pourra faire appel au grand navire de la station « X » ou au petit semi-rigide rapide de la station « Y » proche. Parfois aux deux parce qu’ils sont complémentaires.
L’actuelle « gamme », très hétérogène, héritée de l’histoire des trente dernières années, va des grands canots tous temps jusqu’aux VNM (scooter des mers) en passant par les vedettes de première classe, de deuxième classe, elles-mêmes de diverses tailles, etc.
En tout presque une vingtaine de modèles différents!
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Dans la future flotte, il y aura deux familles.
– Celle des navires de sauvetage hauturiers (NHS) correspond aux plus grands et pouvant rester en haute mer dans des conditions météorologiques très dégradées malgré leurs faibles dimensions. Ils seront évidemment insubmersibles et autoredressables, comme leurs prédécesseurs, au cas où une vague les coucherait ou les retournerait. Ils doivent pouvoir aller jusqu’à 20 milles des côtes, exceptionnellement 50 milles, sans se laisser trop ralentir par les grosses mers.
D’après leurs calculs en bassin de carène numérique, les architectes espèrent qu’ils pourront encore marcher à plus de 15 nœuds par mer 7 avec des vagues de 6 à 9 mètres !
Pour cela les plus grands NSH1 auront besoin de deux moteurs de plus de 700 ch et de deux réservoirs de 1 700 litres.
– Et celle de la flotte des navires de sauvetage côtier (NSC). Plus petits que les NSH, plus rapides aussi par temps maniable (30 à 35 nœuds), ils iront moins loin. Mais ils sont tout aussi indispensables que les autres, car une grande partie des interventions de sauvetage ont lieu par temps maniable et près des côtes. De plus, ils peuvent se loger dans des ports et abris où des navires hauturiers ne trouveraient pas leur place.
Le NSC1, de 11,70 mètres, est un vrai petit navire de sauvetage avec une timonerie permettant d’abriter sauveteurs et naufragés, qui ira plus vite que les gros par beau temps, jusqu’à 30 nœuds.
« Caractéristique essentielle, la « plage arrière », autrement dit la partie arrière du pont, est vaste, dégagée de superstructures autant que possible et nettement plus basse sur l’eau que l’avant et que celle des canots actuels (1 mètre au-dessus de l’eau). C’est un endroit stratégique. Doivent s’y dérouler commodément, sans obstacle, le plus à l’abri possible de la mer et du vent, les récupérations et manipulations de victimes, notamment celles qui sont allongées sur une civière (ou « plan dur » ou « barquette »), mais aussi les hélitreuillages et les manœuvres nécessaires au remorquage des bateaux en détresse. Les deux superstructures grises qui demeurent sur les côtés correspondent à l’aération de la cale moteur, plus des rangements. »
« La SNSM c’est une flotte, mais aussi deux cent dix-huit stations de sauvetage et trente-deux CFI qui ont chacun une forte personnalité. Tous leurs besoins et arguments ont été patiemment discutés et intégrés dans le programme. »
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Les conditions du marché et le financement
« La direction technique de la SNSM a lancé un appel à candidatures pour sélectionner le maître d’oeuvre d’ensemble qui construira tous les bateaux à des prix et dans des délais acceptables, fixés à l’avance, pour tout le « catalogue ».
La SNSM les commandera au gré de ses besoins et possibilités. »
L’étude du coût est désormais basé sur le « coût global de possession » sur la durée de vie du navire.
La SNSM souhaite aussi que moteurs et matériel électronique soient suffisamment standardisés pour stocker des rechanges et pour qu’ils puissent être bien suivis par une GMAO (maintenance assistée par ordinateur) en cours de mise en place à la SNSM. Elle veut également que les équipements soient facilement accessibles en entretien (coupe-circuits regroupés, baies électroniques accessibles…)
Pour financer un nouveau navire de sauvetage, quatre sources de financement sont prévues:
– la cagnotte de la station elle-même (donateurs petits ou gros et des multiples actions de collecte locale) ;
– le siège national de la SNSM qui bénéficie un peu, encore trop peu, d’argent de l’État ;
– et surtout une partie des 100 000 donateurs que compte la SNSM et de quelques grands partenaires privés ;
– les collectivités locales enfin, départements et régions essentiellement.
C’est la SNSM qui doit assurer le préfinancement de la construction des canots, ce qu’elle fait grâce aux dons et au regroupement des trésoreries de toutes les stations dans un « pool » national.
Un plan d’équipement bien établi et lancé mais qui reste malgré tout aléatoire puisque, comme le dit la Snsm, la commande évoluera au gré de ses possibilités.
D’autant que le coût global prévu est de 50 millions d’€.
Donc pas de planning précis, les Sauveteurs en Mer ne disposant pas de la visibilité financière suffisante pour pouvoir s’engager fermement sur un programme d’investissement pluriannuel.
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais