COUR DES COMPTES : Rapport sur les Finances publiques locales 2023 Fascicule 1 La Cour publie son rapport annuel sur la situation financière des collectivités territoriales, telle qu’elle résulte de l’examen de leurs comptes de l’année 2022. Après une année 2021 marquée par une nette amélioration, les collectivités territoriales ont à nouveau connu en 2022 une situation financière très favorable, comme le montre l’évolution de leur épargne, de leurs dépenses d’investissement et de leur endettement. Cette situation a été partagée par les trois grandes catégories de collectivités : les communes et leurs groupements intercommunaux, les départements et les régions. Elles connaissent cependant des disparités internes, notamment les communes et les intercommunalités. La participation des collectivités territoriales au redressement des finances publiques reste à définir. En 2022, une situation financière des collectivités territoriales à nouveau très favorable À périmètre inchangé par rapport à 2021, les produits de fonctionnement des collectivités territoriales ont augmenté à un niveau identique à celui de l’inflation (+ 5,2 %) et un peu plus élevé que celui de leurs charges de fonctionnement (+ 5,0 %). La hausse des produits a été tirée par les recettes de TVA (+ 9,2 %), amplifiées par l’inflation et par la hausse de la consommation. Une part croissante de cet impôt de l’État (est affectée aux collectivités. La TVA compense la suppression de la dotation globale de fonctionnement des régions (depuis 2018), de la taxe d’habitation sur les résidences principales (depuis 2021) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (depuis 2021 pour les régions et 2023 pour les départements et les intercommunalités). La TVA procure désormais aux régions plus de la moitié de leurs recettes de fonctionnement ; elle est la première recette des départements. À l’exception de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques et de la taxe sur les cartes grises, les recettes de tous les autres impôts ont augmenté. C’est le cas de la taxe foncière sur les propriétés bâties affectée aux communes (+ 5,6 %), sous l’effet de l’indexation des bases d’imposition sur l’inflation constatée et de hausses de taux par certaines communes. L’augmentation des charges de fonctionnement traduit les effets de l’inflation : effets directs sur les achats de biens (carburants, énergie, alimentation) et de services ; effets indirects sur les dépenses de personnel, à travers la revalorisation du point d’indice de 3,5 % au 1er juillet. La progression des dépenses de personnel résulte aussi de mesures catégorielles en faveur de certains agents et d’une hausse des effectifs de fonctionnaires et, plus encore, de contractuels. L’épargne brute, qui correspond au solde des recettes et des charges de fonctionnement, est la principale source de financement des investissements. En 2022, son montant (44 Md€ à périmètre constant) a continué à augmenter. Dès lors, les dépenses d’investissement (68 Md€) ont continué à croître (+ 6,8 %) ; l’inflation réduit cependant leur progression en volume. C’est seulement pour financer des dépenses d’investissement que les collectivités sont autorisées à emprunter. En 2022, le poids de leur endettement financier (186 Md€) a continué à se réduire : il représente 4,3 années d’épargne brute contre 5,3 années en 2016. Il est d’autant plus limité que les collectivités ont une trésorerie élevée (60 Md€). Une situation favorable pour toutes les catégories de collectivités, des disparités internes Les charges des collectivités du bloc communal ont augmenté un peu plus que leurs recettes de fonctionnement, ce qui n’a pas empêché leur épargne et leurs dépenses d’investissement de continuer à croître. 14 % des communes et 8 % des intercommunalités ont une épargne négative après remboursement des emprunts ; ces proportions ont baissé par rapport à l’avant crise sanitaire. La situation financière de beaucoup de collectivités ultra-marines est fragile. À périmètre constant, les recettes de fonctionnement des départements ont un peu plus augmenté que leurs charges. Les départements ont bénéficié d’une conjonction favorable : dynamique des recettes de TVA, maintien des recettes de droits de mutation à titre onéreux à un niveau exceptionnel et poursuite de la diminution des dépenses de RSA, sous l’effet de l’amélioration de la conjoncture économique. Leurs dépenses d’investissement ont augmenté. Grâce à la TVA, les recettes de fonctionnement des régions ont plus augmenté que leurs charges, ce qui a permis aux régions de continuer à reconstituer leur épargne, qui avait chuté en 2020. Leurs dépenses d’investissement continuent à s’inscrire à un niveau élevé. Une participation des collectivités territoriales au redressement des finances publiques qui reste à définir Sous l’effet de la compensation par la TVA de la suppression d’impôts locaux, les transferts financiers de l’État ont pourvu un peu plus de 50 % des recettes totales des collectivités en 2022, contre 36 % en 2019. Sauf exception, les collectivités bénéficient de la totalité de la dynamique annuelle des recettes de TVA. En 2022, la TVA leur a procuré 5,6 Md€ de recettes supplémentaires par rapport à celles qui auraient résulté du maintien des impôts supprimés. Compte tenu de la place de la TVA, les recettes des collectivités sont devenues plus sensibles à la conjoncture économique. Or les mécanismes de lissage des recettes portent sur les seuls droits de mutation à titre onéreux des départements. Malgré la volatilité de cette recette, les montants mis en réserve sont faibles (0,9 Md€ fin 2022, dont 0,2 Md€ sur décision du comité des finances locales s’imposant aux départements et 0,7 Md€ à l’initiative de 33 d’entre eux). Le programme de stabilité adressé en avril 2023 par le Gouvernement à la Commission européenne prévoit une diminution annuelle de 0,5 % en volume des dépenses des collectivités territoriales entre 2024 et 2027. Les modalités de la participation des collectivités au redressement d’ensemble des finances publiques ne sont pas arrêtées. Fascicule 2 Dans un premier fascicule de son rapport annuel sur les finances publiques locales, publié le 4 juillet dernier, la Cour a montré que les collectivités territoriales, prises globalement, avaient connu, comme l’année précédente, une situation financière très favorable en 2022. Dans ce second fascicule, la Cour relève que la situation financière des collectivités, surtout des départements et des régions, pourrait connaître en 2023 une évolution moins positive, du fait de ressources fiscales moins dynamiques et des effets de l’inflation sur les dépenses. La Cour examine également trois aspects complémentaires du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales : l’autonomie financière ; la péréquation des ressources, condition de l’autonomie des collectivités défavorisées ; les dispositifs contractuels par lesquels l’Etat et les collectivités mettent en œuvre des actions communes. La Cour avance des propositions pour conforter l’autonomie financière des collectivités, pour renforcer la péréquation en faveur des collectivités qui en ont besoin et pour rendre plus efficaces des outils contractuels trop nombreux et insuffisamment exigeants. La perspective d’une situation financière moins favorable des collectivités en 2023 En 2023, les recettes des collectivités, notamment de TVA, progresseront de manière ralentie par rapport à 2022. Le produit de certains impôts (droits de mutation à titre onéreux des départements, en raison du retournement du marché immobilier) baissera en valeur absolue. Dans le même temps, les dépenses d’achats de biens et de services, de rémunérations des agents, de prestations sociales et de frais financiers sont poussées à la hausse par l’inflation. Le montant de l’épargne qui sert aux collectivités territoriales à investir continuerait à augmenter pour les communes et les intercommunalités, mais chuterait pour les régions et, plus encore, pour les départements. Selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2024, les collectivités, après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 Md€ en 2022, connaîtraient un besoin de financement de 2,6 Md€ en 2023, puis de 2,9 Md€ en 2024. La loi de programmation des finances publiques 2023-2027 prévoit une contribution significative des collectivités au redressement d’ensemble des finances publiques. Cependant, elle présente des aléas importants : elle repose sur des hypothèses optimistes et les outils de nature à concrétiser l’objectif d’excédents inédits de financement restent à définir. L’autonomie financière : une portée débattue, un dialogue avec l’État à mieux structurer Tout en préservant les recettes des collectivités territoriales, les réformes fiscales récentes ont affaibli le lien entre celles-ci et les ménages et les entreprises de leur territoire. À la suite de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les impôts territorialisés ne représentent plus qu’une part réduite des recettes des départements et, plus encore, des régions. Les communes et intercommunalités conservent en revanche une part importante d’impôts locaux, sur lesquels elles ont des possibilités d’action variables (49 % des recettes de fonctionnement en 2022, hors CVAE). Pour conforter l’autonomie financière des collectivités, il convient de renforcer leur capacité à faire face à des aléas conjoncturels, sans aide de l’État, en développant les mécanismes de mise en réserve de recettes, notamment de TVA (ils sont aujourd’hui limités aux droits de mutation des départements). La création récente d’un Haut conseil des finances locales pourrait par ailleurs permettre de mieux concilier les enjeux nationaux et locaux des finances publiques. La péréquation financière : un effort à amplifier et à mieux cibler Les collectivités territoriales connaissent de fortes inégalités de ressources et de charges. Si de nombreux dispositifs de péréquation (13 Md€ au total en 2022) améliorent la situation des collectivités défavorisées, ils comportent aussi d’importantes marges de progrès. Ainsi, les indicateurs utilisés pour péréquer les ressources des collectivités devraient être mieux définis. Au lieu d’être saupoudrée (97 % des communes en bénéficient), la péréquation devrait aller aux collectivités qui en ont le plus besoin. Les moyens financiers de la péréquation devraient être amplifiés : en continuant à réduire la dotation forfaitaire héritée d’anciens impôts afin de financer la hausse des dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État ; en majorant les recettes locales prélevées pour être redistribuées aux collectivités défavorisées ; en généralisant les dispositifs de solidarité internes aux intercommunalités. Enfin, les dispositifs de financement qui suscitent des inégalités sont à réviser : les fractions de TVA qui remplacent d’anciens impôts locaux et la DGF des régions devraient être réparties entre les collectivités en fonction du nombre et des caractéristiques socio-économiques de leurs habitants, au lieu de leur part dans les anciennes recettes. La contractualisation : un mode d’action incontournable qui doit gagner en efficience L’État comme les collectivités privilégient la contractualisation aux décisions unilatérales pour coordonner leur action dans de nombreux domaines relevant ou non de leurs compétences. Même si la contractualisation ne peut que partiellement remédier aux pertes d’efficience liées à l’émiettement du tissu communal et à l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes, il convient de continuer à recentrer les très nombreux dispositifs contractuels de l’État avec les collectivités autour des contrats de plan État-région et des contrats de relance et de transition écologique avec les intercommunalités. En outre, la portée des dispositifs contractuels devrait être renforcée, en laissant le temps nécessaire à leur négociation, en précisant dans une annexe financière les engagements pris par chacun des signataires et en évaluant régulièrement leur mise en œuvre. (© Cour des Comptes) Lire la SYNTHESE 1 : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/65282 LE RAPPORT 1 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20230704-Fipulo-2023-Fasc-1.pdf Lire la SYNTHÈSE 2 : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/67083 LE RAPPORT 2 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20231024-Fipulo-2023-Fasc-2.pdf . Publiez vos annonces légales: https://www.lereportersablais.com/annoncesjudiciairesetlegales/ . [author title="Philippe Brossard-Lotz" image="https://www.lereportersablais.com/wp-content/uploads/2018/09/Logo_LRS2.png"]Le Reporter sablais[/author] . . Lancement de la campagne de donation 2023 pour "Le Reporter sablais" .