CONSTRUCTION DANS LES MARAIS DE L’ILE D’OLONNE
Un abri de marais en bois, de moins de 20m2 doit être regardé comme un aménagement léger.
La Cour administrative d’Appel de Nantes a rejeté le recours du Préfet qui estimait que l’implantation d’une nouvelle cabane contrevenait au code de l’urbanisme et au code de l’environnement dès lors que celle-ci ne constituait pas un aménagement léger, n’est pas nécessaire à la gestion du milieu et aura un impact paysager important.
Elle a jugé favorablement « l’implantation d’un abri de marais en bois, de type « salorge », pour permettre le stockage du matériel d’entretien du marais et celui du fourrage des moutons, voire pour abriter ces animaux, lesquels participent également à l’entretien du marais. » (…).
Et elle a indiqué que « selon l’arrêté en litige – qui n’est pas contesté sur ce point – le bâtiment doit être conçu pour permettre un retour du site à l’état naturel. »
Elle a donc ajouté que « dans ces conditions, compte tenu de la taille modeste du bâtiment, des matériaux naturels utilisés et de son intégration dans un vaste tènement naturel, le projet dont il s’agit n’est pas de nature à porter atteinte au caractère du site protégé et à la préservation des milieux, ni à compromettre sa qualité paysagère. »
Cet abri de marais « doit, par suite, être regardé comme un aménagement léger au sens des dispositions de l’article L. 146-6 et R. 146-2 du code de l’urbanisme. »
Philippe Brossard-Lotz
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Mme C. S. a déposé une déclaration préalable pour la construction d’un abri de marais sur un terrain situé au Marais Richard.
Le Maire de l’Ile d’Olonne, par arrêté du 25 novembre 2015, ne s’est pas opposé à cette déclaration.
Le recours gracieux du Préfet de la Vendée a été rejeté.
Devant le Juge des Référés du Tribunal administratif de Nantes, le Préfet a donc déposé une requête le 21 avril 2016 demandant la suspension de l’exécution de l’arrêté du 25 novembre 2015 et du rejet du recours gracieux qu’il avait formé à l’encontre de cette décision.
Le Juge des référés a suspendu le 3 mai 2016 l’exécution de l’arrêté du maire de l’Ile d’Olonne et la décision rejetant le recours gracieux.
Dans le même temps, le 21 avril 2016, le Préfet de la Vendée avait déféré au Tribunal administratif (TA) – sur le fond – cet arrêté ainsi que la décision de rejet du recours gracieux.
Le Préfet soutenait que le projet était incompatible avec la destination de l’espace remarquable dans lequel il doit s’insérer, telle qu’elle est définie aux article L.146-6 et R.146-1 du Code de l’urbanisme, que l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme, et qu’il y a lieu d’écarter l’application de l’article N2 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de l’Ile d’Olonne non conforme à l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme.
La défense a considéré « qu’aucun des moyens invoqués par le de la Vendée n’était fondé. »
Le Tribunal administratif considérant, notamment, que le bâtiment autorisé (…) ne comportera pas de fondations et sera construit en planches de bois (…) et que, dans ces conditions, eu égard en outre à sa faible surface de plancher, doit être regardé comme un aménagement léger (…) a rejeté ce déféré (jugement du Tribunal administratif de Nantes du 8 juin 2017).
Le Préfet a donc poursuivi la procédure en relevant appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes.
Par cette requête, enregistrée le 4 août 2017, le Préfet soutient que le jugement du TA « est irrégulier pour être insuffisamment motivé en tant qu’il écarte le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R.142-6 et R.146-6 du code de l’urbanisme.
Et qu’il est entaché d’une erreur de droit (…) dès lors que ce projet ne constitue pas un aménagement léger au sens de l’article L.146-6 du code de l’environnement, (qu’il) n’est pas nécessaire à la gestion du milieu, (qu’il) aura un impact paysager important et qu’il existe un risque de détournement d’usage du local et de dénaturation du caractère du site. »
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2018 la commune de l’Ile d’Olonne représentée par Me de Baynast a conclu au rejet de cette requête.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
A propos du Jugement du Tribunal administratif
Sur la régularité du jugement attaqué
Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 146-6 et R.146-2 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif, a décrit le site d’implantation et les caractéristiques du projet ainsi que l’activité en raison de laquelle il est édifié.
Après avoir qualifié le site d’implantation de site remarquable au sens des dispositions de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, il en a déduit que le projet constituait un aménagement léger (…) et que son activité d’entretien du marais participera à la mise en valeur du site en permettant son entretien de manière écologique et durable alors même qu’elle ne présente pas de caractère professionnel et ne saurait être regardée ni comme une activité agricole ni comme une activité d’élevage ovin au sens des dispositions de l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme.
Par suite, le préfet de la Vendée n’est pas fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé sur ce point.
Sur les conclusions à fin d’annulation
Aux termes de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté attaqué : (…) Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. / Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements (…) ».
L’article R. 146-2 du code, pris pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 146-6 du code, fixe la liste des « aménagements légers » pouvant être implantés dans les espaces protégés au titre de l’article L. 146-6.
Enfin, l’article L. 421-4 du code, alors en vigueur, prévoit que : « Un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l’exigence d’un permis et font l’objet d’une déclaration préalable (…) ».
Selon l’article R.421-9 de ce code : « En dehors des secteurs sauvegardés et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus :
a) Les constructions dont soit l’emprise au sol, soit la surface de plancher est supérieure à cinq mètres carrés et répondant aux critères cumulatifs suivants :
– une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ; – une emprise au sol inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; – une surface de plancher inférieure ou égale à vingt mètres carrés ».
Les dispositions de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, en vertu desquelles les décisions relatives à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, ne s’opposent pas à ce que, eu égard à leur objet et à leur nature, des travaux qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable dans les espaces remarquables en application des articles L. 421-4 et R. 421-9 du même code, soient autorisés dans ces espaces, alors même qu’ils ne sont pas mentionnés au nombre des « aménagements légers » prévus à l’article R. 146-2 du code. Il résulte seulement des dispositions citées au point précédent qu’il appartient à l’autorité administrative saisie d’une déclaration préalable, d’apprécier si ces travaux ne dénaturent pas le caractère du site protégé, ne compromettent pas sa qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux.
Il ressort des pièces du dossier que les parcelles concernées par les travaux litigieux, d’une superficie totale d’environ 2,5 hectares, sont situées dans un vaste tènement naturel formé de marais. Elles sont, par ailleurs, incluses dans le réseau Natura 2000 d’un site d’importance communautaire, en zone de protection spéciale « Dunes, forêt et marais d’Olonne », ainsi que dans une zone importante pour la conservation des oiseaux et dans une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique de type II. (…) Par suite, le terrain formant l’assiette du projet doit être regardé comme étant situé dans un espace remarquable au sens et pour l’application de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme.
Par ailleurs, il ressort des mêmes pièces (…) que le projet litigieux porte sur l’implantation d’un abri de marais en bois, de type « salorge », pour permettre le stockage du matériel d’entretien du marais et celui du fourrage des moutons, voire pour abriter ces animaux, lesquels participent également à l’entretien du marais. Ce bâtiment, qui comporte une seule ouverture d’une dimension de 2,00 m x 2,20 m, aura une surface de plancher de 19,80 m2, pour une hauteur maximale de 2,70 mètres avec un plancher en bois. La structure du bâtiment, toiture comprise, sera en bois en clin, de couleur brune et ne comprendra aucune maçonnerie. Selon l’arrêté en litige, qui n’est pas contesté sur ce point, le bâtiment doit être conçu pour permettre un retour du site à l’état naturel. Dans ces conditions, compte tenu de la taille modeste du bâtiment, des matériaux naturels utilisés et de son intégration dans un vaste tènement naturel, le projet dont il s’agit n’est pas de nature à porter atteinte au caractère du site protégé et à la préservation des milieux, ni à compromettre sa qualité paysagère.
Il doit, par suite, être regardé comme un aménagement léger au sens des dispositions de l’article L. 146-6 et R. 146-2 du code de l’urbanisme. Enfin, la circonstance que le bâtiment pourrait être utilisé à une autre fin que celle déclarée (…) est sans influence sur la légalité de la décision de non-opposition.
Par suite, et alors même que les activités d’entretien du marais et d’élevage ne seraient pas exercées de manière professionnelle, le maire de l’île-d’Olonne a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, ne pas s’opposer à la déclaration de travaux déposée.
Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Vendée n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté son déféré.
La Cour d’appel administrative de Nantes décide que:
La requête du préfet de la Vendée est rejetée.
Délibéré du 28 mai 2019.
Philippe Brossard-Lotz
Le Reporter sablais